Le manifeste de la femme catholique

 

Lanza del Vasto et sa future  épouse Chanterelle, (été 1945).
C’est donc un devoir pour la femme de prendre soin de l’âme de l’homme, de l’édifier par ses exemples, de l’améliorer par ses saintes inspirations, de le sanctifier par ses vertus.


DIEU être éternel, saint et parfait, ne fait rien dans le temps qu’en vue de l’éternité ; ne fait rien dans l’ordre de la nature qu’Il ne coordonne à l’ordre de la grâce ; ne fait rien pour l’homme que pour Se glorifier Lui-même dans l’homme et par l’homme, en l’attirant à Lui, en le comblant de Son amour, et en partageant avec lui Sa propre félicité.

Ainsi, lorsque allant former la femme à l’origine du monde, Dieu dit : «Il n’est pas bien que l’homme soit seul, faisons lui un aide qui lui ressemble ;Non est bonum homini esse solum, faciamus ei adjutorium simile sibi (Gen. II) ; par cette grande parole, dont Il voulut faire une loi de l’ordre social, Il établit la femme comme l’AIDE DE L’HOMME, non seulement pour tout ce qui se rapporte à ses besoins matériels, mais aussi, et avant tout, pour tout ce qui se rapporte à ses besoins spirituels.

Adam et Ève au paradis, Lucas Cranach (l’Ancien)

Non est bonum homini esse solum,
faciamus ei adjutorium simili sibi.

Genèse II

Joseph et Marie


Jacques et Raïssa Maritain

C’est donc un devoir pour la femme de prendre soin de l’âme de l’homme, de l’édifier par ses exemples, de l’améliorer par ses saintes inspirations, de le sanctifier par ses vertus. Et aider l’homme à faire son salut, c’est la fin principale de la femme, sa mission, son ministère, sa gloire, sa grandeur et sa dignité. Ainsi, la femme a, dans les desseins de Dieu, une délégation, je dirais presque une consécration religieuse. C’est, en quelque sorte, le prêtre de la famille, comme l’homme en est le roi.

Mais remarquons aussi que les mots : «Il n’est pas bien que l’HOMME soit seul» ont évidemment un sens général, indéterminé, absolu ; et que dès lors les mots : «Faisons-lui un aide qui lui ressemble» ont le même sens, et qu’ils signifient que Dieu a constitué la femme comme l’aide de l’homme dans tous les états, dans toutes les conditions où il peut se trouver. C’est-à-dire que la femme n’est pas seulement l’aide de l’homme à l’état domestique, mais aussi l’aide de l’homme à l’état politique et à l’état religieux ; n’est pas seulement l’aide de l’Homme-Époux, mais aussi l’aide de l’Homme-Roi et de l’Homme-Prêtre. En un mot, qu’indépendamment de sa mission dans la famille, la femme a aussi à exercer une mission dans l’État et même dans l’Église.

Louis et Zélie Martin

On verra, dans toute la seconde partie de cet ouvrage, quelle est cette mission que la femme est appelée à exercer dans l’Église et dans l’État, et comment la femme catholique s’en est acquittée, depuis l’origine du christianisme jusqu’à nos jours.

En attendant, qu’il nous soit permis de signaler ici le travail infernal par lequel, depuis que les idées et les principes païens ont fait irruption dans les contrées chrétiennes, on a cherché à paralyser toute action, à effacer toute influence de la femme catholique dans l’Église et dans l’État, aussi bien que dans la famille, et à isoler l’Homme-Prêtre et l’Homme-Roi, aussi bien que l’Homme-Époux et l’Homme-Père, de l’aide mystérieux et puissant que Dieu lui avait donné.

Il n’était pas facile de tromper l’Homme-Prêtre et de lui inspirer une injuste défiance du dévouement de la femme catholique à la cause de l’Église ; on a donc cherché à tromper la femme catholique elle-même, et à lui inspirer une défiance encore plus injuste du zèle de l’Homme-Prêtre.

 Newman

 Paul Newman et sa femme Joanne Woodward

Quant à l’Homme-Roi : «Prenez garde, lui a-t-on dit, que la femme catholique ne se mêle des affaires publiques. Il existe une espèce d’affinité toute particulière, une espèce de parenté spirituelle entre la femme catholique et le prêtre. Le jour où la femme catholique mettra le pied dans le cabinet, le prêtre y entrera aussi avec elle ; ils régneront à votre place, et vous ne serez plus que leur jouet». Et l’on a exclu de toute participation aux affaires de l’État la femme catholique, autant par haine envers le prêtre, que par la mésestime de la femme elle-même que le paganisme, dominant dans la politique, a glissées dans tous les esprits.

Yvonne et Charles de Gaulle dans leur maison à Colombey-les-Deux-Eglises © D.R.

C’est que, sous prétexte de vouloir émanciper l’État du joug de l’Église, on a voulu chasser le principe chrétien de l’État, et le remplacer par le principe païen. C’est qu’on a voulu faire de la religion avec la mythologie, de la politique avec l’histoire grecque et romaine, et des lois avec Machiavel. Et, comme le principe chrétien dans l’État n’était représenté que par le prêtre, et n’était soutenu que par la femme, on a intimé brusquement au prêtre de se retirer dans la sacristie, et l’on a enfermé la femme au salon et au boudoir, tout en lui faisant de grandes révérences, sauf à lui permettre d’en sortir pour aller au bal et à l’Opéra. Par un reste de pudeur, on a fait semblant de vouloir encore de la femme et du prêtre ; on a cajolé l’une, mais pour la corrompre ; on a payé l’autre, mais pour l’asservir ; et, débarrassé de tout ce qui pouvait lui rappeler Dieu, ou l’amener à Dieu, l’homme se dit heureux de pouvoir régner et gouverner sans Dieu. Nous n’avons pas besoin de dire ce qu’a été ce règne et ce gouvernement de l’homme par l’homme. L’Europe, et la France en particulier, ne le savent que trop. Philosophes du doute et de la matière, hommes d’État de l’intérêt et de la ruse, Dieu vous a mis à l’épreuve ; Il vous a laissé faire pendant soixante-dix ans. Qu’avez-vous su faire ? RIEN, RIEN, RIEN…

Je me trompe : vous avez su tout démolir et créer le chaos.

Luigi et Maria Beltrame Quattrocchi

Pendant toutes ces années, vous n’avez fait que bavarder, sans parler, raisonner sans conclure, travailler sans bâtir. Semblables à l’insecte qui ternit, qui dessèche tout ce qu’il touche, vous avez défiguré tout ce sur quoi vous avez mis la main; vous avez même discrédité tout ce que vous avez nommé. Vous avez voulu faire des constitutions, et aucune d’elles n’a survécu à leurs auteurs ; vous avez voulu faire de la liberté, et elle a disparu ; de l’économie publique, et jamais les peuples n’avaient été plus accablés d’impôts ; du gouvernement parlementaire, et vous l’avez rendu impopulaire et fait tomber dans la boue. Quant aux améliorations incontestables que la société a obtenues, dans ces derniers temps, vous avez tort de vous en faire honneur et de vous en enorgueillir. Elles ne sont que le développement nécessaire du principe chrétien que vous n’avez pu entièrement détruire. Elles ont été conquises sans vous, et même malgré vous. Seulement, dès que vous avez voulu vous en mêler, il a fallu les acheter par des torrents de larmes et de sang. Votre vrai partage n’est que l’impuissance, votre vraie habileté n’est que pour la destruction. Applaudissez-vous donc de vous être affranchis de toute influence du prêtre et de la femme chrétienne, c’est-à-dire de toute influence de la religion et de Dieu.

Enfin on a dit à l’Homme-Époux et à l’Homme-Père : «La femme n’existe que pour amuser l’homme, pour lui préparer le potage et lui donner des enfants. Les affaires de la famille, et l’éducation de ces mêmes enfants ne la regardent pas ; tout cela est du ressort de l’homme seul, et la femme n’a dans tout cela rien à faire, rien à voir». L’Homme-Époux et l’Homme-Père a goûté ce langage insidieux, si flatteur pour son orgueil ; il s’est retranché dans l’absolutisme du pouvoir domestique ; a refusé de partager le fardeau de son commandement avec son aide, le compagnon obligé de toutes ses joies et de toutes ses douleurs ; il a voulu régner seul dans la famille ; et les affaires domestiques d’être ruinées, comme les affaires publiques, et l’anarchie d’envahir la famille, comme elle a envahi l’État.

Madeleine Danielou

Par ces procédés, non seulement on est parvenu à priver l’homme des secours précieux qu’il trouve toujours dans la piété, dans le bon sens, dans le dévouement de la femme, on est aussi parvenu à ravaler la femme elle-même et à la faire descendre au dernier degré de l’échelle sociale. Heureusement que le catholicisme, malgré les efforts sataniques qu’on a faits depuis deux siècles pour l’y détruire, est encore tout vivace et tout-puissant même dans les pays où il a été le plus combattu. Sans cela on aurait vu, même dans nos contrées, la femme redevenir ce qu’elle a toujours été, ce qu’elle est encore maintenant, chez tous les peuples païens, sans exception, un ignoble instrument de plaisir, une chose, et retomber dans cet abîme de dégradation et d’esclavage d’où le christianisme l’avait tirée.

Cependant, à certains égards, elle n’en est pas moins, même dans les pays catholiques, un être chassé de sa place, déchu de son trône, dépossédé de ses droits, un être n’ayant de liberté que pour le mal, un être relégué par l’orgueil stupide de l’homme dans le monde des plaisirs et des frivolités ; et à l’exception près qu’elle y est parée de tous les raffinements de la vanité et du luxe dont on la laisse jouir, elle y est esclave, autant qu’elle peut l’être.

Le divorce, qui n’est qu’une pensée, une institution païenne, au préjudice de la vraie liberté de la femme, là même où il n’existe pas

Louise de Montaignac de Chauvance (1820-1885)

de droit, existe de fait. On ne chasse pas toujours sa femme de la maison ; mais on ne l’en répudie pas moins pour en prendre une autre, à qui l’on donne impudemment son nom et sa livrée. Il est impossible de se faire idée de ce qu’une femme, que son respect pour la religion et pour elle-même empêche d’en faire autant de son côté, doit souffrir d’humiliations et de douleurs pour prévenir une situation pareille ou pour la subir. C’est plus que l’esclavage, c’est ce martyre de l’âme dont parle saint Ambroise, et qui pour s’accomplir tous les jours sans bruit et sans éclat, dans le secret des murs domestiques, n’en est pas moins un martyre, souvent bien plus affreux et plus déchirant que celui du corps; Sunt quædam, inter domesticos parietes, secreta martyria. Pauvre créature! voilà les bienfaits que vous devez au protestantisme et à la philosophie !…

A force de la tromper sur la fin de son existence, et de lui laisser ignorer la grandeur de sa mission et la noblesse de sa destinée, on a réussi à l’abaisser, à la dégrader à ses propres yeux, et par là à la pousser au désordre. Car si, fort
souvent, cette intéressante créature se livre au désordre parce qu’elle s’estime trop, bien plus souvent encore, elle ne s’y livre que parce qu’elle ne s’estime pas assez, ne se respecte pas assez; mais au contraire parce qu’elle se méprise elle-même, désespère d’elle-même, au point de vue religieux et social. Il ne faut donc pas, aujourd’hui, relever seulement la femme aux yeux de l’homme, il faut la relever aussi à ses propres yeux ; il faut lui faire sentir sa grandeur et son importance ; il faut lui rappeler ce qu’elle est vraiment dans l’ordre providentiel ; il faut lui faire connaître, autant que possible, l’immense portée de l’ineffable parole par laquelle Dieu, son Créateur et son Maître, l’a établie L’AIDE DE L’HOMME, lui ressemblant par la communication du même esprit aussi bien que par l’identité de la même nature ; afin de l’empêcher de se dégrader elle-même, afin qu’elle soit ce qu’elle doit être pour le bonheur de l’homme et de la société.

Elisabeth Leseur, laïque, vénérable 1866-1914

C’est dans l’intention de coopérer, autant que nous le permettent nos faibles moyens, à ce double but, que nous avons publié nos HOMÉLIES SUR LES FEMMES DE ÉVANGILE, où, à l’aide des beaux et touchants exemples de ces saintes et sublimes femmes, nous avons tâché d’impressionner la femme de l’esprit de Jésus-Christ et de Son Évangile, qui fait toute sa puissance pour le bien et toute sa gloire ; et c’est dans la même intention que nous faisons maintenant suivre LES FEMMES DE L’ÉVANGILE par LES FEMMES D’APRÈS L’ÉVANGILE.

Ce n’était que dans la préface des FEMMES DE L’ÉVANGILE, d’abord ; ce n’était que dans un opuscule à part, ensuite, que nous croyions pouvoir traiter ce sujet. Mais, au fur et à mesure que nous écrivions, son importance, son intérêt et son charme s’étant révélés toujours davantage à nos yeux, et l’étendue de ses rapports se développant toujours davantage sous notre plume, nous avons formé les deux volumes que nous publions maintenant, où, sous le titre de : LA FEMME CATHOLIQUE, nous traitons du catholicisme dans ses rapports avec la femme, et de la femme catholique dans ses rapports avec la famille, l’État et l’Église.

Nous avons divisé cet ouvrage en trois parties. Dans la première, nous démontrons d’abord la nécessité où l’on est, particulièrement aujourd’hui, de s’occuper d’une manière sérieuse de l’éducation de la femme au point de vue de la religion, et d’implanter solidement le catholicisme dans son esprit et dans son cœur, afin que, dans la catastrophe religieuse qui se prépare, et qui pourrait bouleverser tout, afin que tout soit restauré, la femme puisse, à la fin du dix-neuvième siècle, conserver le catholicisme en Europe, comme elle l’a, à la fin du dix-huitième siècle, conservé en France. Ensuite, l’histoire à la main, de la condition de la femme aux différentes époques et dans les différents pays du monde, nous lui mettons sous les yeux, d’un côté, l’affreux et déchirant tableau de son humiliation et de sa servitude sous l’empire du paganisme, du mahométisme, de l’hérésie et du schisme ; et, de l’autre côté, le tableau délicieux et consolant de sa dignité et de son indépendance au sein du catholicisme, afin de l’engager à s’attacher elle-même à cette religion sainte et à s’y dévouer. A cette occasion nous exposons les inconvénients du divorce et les avantages de l’institution évangélique de l’indissolubilité du mariage, au point de vue philosophique, théologique et social, et toujours dans l’intérêt de la vraie grandeur et de la vraie liberté de la femme. Nous lui montrons que partager certaines théories en faveur du mariage à bail, qui, même aujourd’hui, s’élaborent dans les plus bas fonds de la société, ce serait, de la part de la femme même, de la stupidité autant que de l’impiété, car ce serait conspirer contre elle-même et souscrire à l’ignoble et inique traité de sa dégradation, de sa servitude, de ses peines et de son désespoir.

Jeanne de chantal

Dans la deuxième partie, on trouvera, non pas les vies, mais les portraits de l’esprit et du cœur des femmes catholiques les plus célèbres aux cinq grandes époques de l’histoire de l’Église :

1° A l’époque de Jésus-Christ et des Apôtres

2° à l’époque des Martyrs

3° à l’époque des Pères de l’Église

4° au Moyen âge

5° aux Temps modernes.

Clovis et Clotilde

On verra, à la première de ces époques, la femme nourrissant de ses biens, assistant de sa personne le Sauveur du
monde Lui-même et Ses disciples, et coopérant par son zèle, par sa générosité et par son dévouement à la fondation
de l’Église.

On la verra, à la seconde époque, stupéfier et confondre le paganisme par son amour céleste de la pureté, par les prodiges de son courage et de sa constance dans la confession de la vraie foi, au milieu des plus affreux tourments.

On la verra, vierge ou épouse, veuve ou mère, libre ou esclave, innocente ou pénitente, toujours grande, sublime, héroïque dans son martyre, et par là démontrant au monde, d’une manière sensible et triomphante, la divinité de la religion chrétienne et la propageant par tout le monde.

A la troisième époque, on sera agréablement surpris d’apprendre que les Pères de l’Église grecque et latine, ces grands génies qui ont étonné et éclairé le monde autant par leur science que par leurs vertus, ces fléaux redoutables de toutes les erreurs, ces défenseurs, ces vengeurs zélés de toute vérité, ne sont que de précieux cadeaux que la piété de la femme catholique a faits à l’Église, et que c’est par sa coopération qu’ils ont été si grands et qu’ils ont fait tant de bien dans l’Église.

Cette surprise s’augmentera encore davantage en voyant, à la même époque, la femme catholique, dans sa maison particulière, réaliser dans toute leur perfection tous les préceptes, tous les conseils de l’Évangile, et contribuer, par ses exemples, autant que les Pères par leurs prédications et par leurs écrits, à populariser la sainteté et à former les mœurs des peuples chrétiens ; et, assise sur le trône, travailler à convertir les Césars, à christianiser l’empire, à aider l’Église à abattre le culte des idoles et à détruire toutes les hérésies. On ne se doute certainement pas de ce fait ; cependant rien n’est plus vrai, et nous ajoutons aussi que rien n’est plus raisonnable : toute hérésie ayant commencé par la femme, ne peut finir que par elle !

Blanche de Castille

En parcourant la quatrième époque, on sera forcé de convenir qu’à aucune autre époque cette action de la femme catholique, reine ou simple particulière, vierge ou mariée, au cloître ou au milieu du monde, ne s’est exercée sur une plus large échelle et n’a opéré tant de prodiges, qu’au moyen âge ; car on l’y verra convertir les rois et les peuples barbares ; faire passer le christianisme dans toutes les institutions sociales et créer littéralement les monarchies et les nationalités des peuples chrétiens. On verra aussi, avec un étonnement tout particulier, que les règnes qui ont eu tout l’éclat des grands règnes de princes éminents, sans leurs inconvénients et sans leurs abus ; que les règnes sous lesquels l’ordre n’a rien coûté à la liberté et la guerre légitime, la splendeur de la couronne et la force de l’éclat n’ont rien coûté à la fortune publique ; que les règnes dont les peuples n’ont jamais eu à se plaindre, mais que, dans les transports de leur reconnaissance, ils ont bénis et appelés l’âge d’or de leur pays, ont été les règnes de la femme catholique ou de saintes femmes inspirées par des évêques et gouvernant de droit ou de fait de grands États.

Mais, écrivant en France, et particulièrement pour la France, nous lui avons fait une plus large part dans cette revue de l’histoire de la femme catholique au moyen âge. On a dit que la nationalité française, en particulier, est l’œuvre des évêques catholiques. C’est bien vrai. Mais on n’a pas assez remarqué que les évêques n’ont accompli une œuvre si grande et si merveilleuse que par le concours de la femme catholique, par le concours de ces grandes reines, de ces étonnantes princesses, prodiges de sainteté et de sagesse, qui se sont, sans interruption, succédé sur le trône et dans les maisons royales de France, où, en dépit de la sauvagerie et du libertinage des hommes, elles ont maintenu les traditions pratiques de l’esprit de chasteté, de justice, de bienfaisance et de dévouement propre à la royauté chrétienne. On n’a pas assez remarqué non plus que c’est des maisons royales françaises que sont sorties ces saintes matrones qui ont sanctifié presque tous les trônes de l’Europe, et qui y ont répandu et perpétué l’action « convertitrice  » et civilisatrice de la France. Nous avons voulu constater ce fait, dont la femme française a lieu d’être saintement fière, et la France aussi. On verra, dans la même période historique, la femme catholique inspirer tous les fondateurs d’ordres religieux et contribuer, par tous les moyens, à ces précieuses fondations, aussi bien qu’à la construction des temples, des couvents des deux sexes, des écoles, des hôpitaux, qui pendant cette longue époque ont surgi comme par enchantement et couvert le sol de l’Europe, pour la splendeur du culte et pour le soulagement de toutes les misères et de toutes les douleurs.

Madame de Maintenon

On la verra aussi rappeler à leurs devoirs les princes, améliorer la condition des peuples, aider les missions, s’intéresser au maintien de la discipline et de la science dans le clergé, défendre les évêques, soutenir le Pape, enrichir les pauvres en enrichissant l’Église. On verra, en un mot, que tout ce qu’à cette époque le christianisme et l’Église ont fait de grand, de merveilleux, d’utile dans l’ordre civil et politique, aussi bien que dans l’ordre moral et religieux, ils ne l’ont fait qu’avec l’assistance et le concours de saintes femmes. En sorte que la femme catholique de cette époque de foi a peut-être mieux que l’homme mérité de l’Église, des peuples et des États.

Enfin, à la cinquième et dernière époque de ce résumé historique des hauts faits de la femme catholique, on la verra toujours elle-même. On la verra, martyre, confesser Jésus-Christ avec le même héroïsme que les femmes-martyres des premiers siècles chrétiens ; reine, gouverner les États avec le même bonheur que les saintes reines du moyen âge, combattre avec plus de courage et de succès que les hommes le protestantisme, aider à propager le catholicisme par tout le monde ; et, dans toutes les autres conditions où elle s’est trouvée, on la verra arrêter les progrès de l’hérésie et de l’impiété, conserver la foi catholique là où elle est restée debout ; inspirer et former les saints, encourager les apôtres, coopérer à la fondation de nouveaux ordres religieux, multiplier les établissements pieux et bienfaisants, donner des développements prodigieux, inouïs, aux fonctions et aux saintes industries de la charité, et les maintenir par la même générosité et le même dévouement des saintes femmes de tous les âges, et montrer, elle aussi, par le prodige des mêmes vertus, que le catholicisme qui l’inspire, possède toujours la même sève divine, la même force, la même vérité, et que pour cela même il est le christianisme véritable, l’unique vraie religion.

Jeanne d’Arc

Certainement, nous ne disons rien ici qui soit nouveau. Il n’y a de nouveau que l’ordre que nous avons donné, dans cette partie de notre ouvrage, à cette série de prodiges bien anciens, sans doute, mais qui dans les pays catholiques, se renouvellent à chaque instant, même de nos jours, sous nos propres yeux, avec la même constance et la même efficacité.
Car nous ne savons pas qu’on ait jamais ramassé les traits de la beauté surhumaine de l’esprit et du cœur de la femme catholique, épars dans les nombreux volumes de l’histoire de l’Église, et qu’on les ait réunis pour en faire le portrait d’après nature de la plus belle, de la plus noble, de la plus sublime création de la grâce du christianisme. Nous regrettons de ne pas être un peintre assez habile pour donner à un pareil portrait tout le charme, tout l’éclat et toute la vie dont nous le croyons susceptible. C’est un sujet céleste, angélique qu’on ne peut bien rendre que par le pinceau des anges et les couleurs du ciel. Mais au moins cette informe et grossière ébauche pourra servir à faire naître dans l’esprit de quelqu’un de ces grands peintres des âmes, dont la France abonde, l’idée de traiter d’une manière plus complète et plus digne de lui, ce même sujet. Malgré tout ce qu’on a écrit sur la femme, nous croyons qu’un ouvrage fait exprès sur la femme catholique est encore à paraître, et nous espérons qu’on le fera.

Thérèse de Lisieux

En attendant, par ce résumé des vertus, des mérites, des grandeurs, des gloires de la femme catholique, que nous avons tracé, dans cette deuxième partie de notre ouvrage, nous avons voulu aussi offrir à la femme un miroir qu’elle pourra consulter avec profit pour savoir ce qui peut rehausser la beauté et la grâce de son âme et la rendre plus digne de l’amour de Dieu et du respect et de l’admiration des hommes ; pour se relever à ses propres yeux, pour apprendre ce qu’elle est, ce qu’elle vaut, ce qu’elle peut sous l’action du catholicisme, et pour se convaincre que sa mise, sa parure la plus magnifique, la plus splendide et la plus éblouissante de charme et de richesse, consiste en ceci : la robe de la grâce sanctifiante, blanchie dans le sang de l’agneau (Apoc.), la ceinture de la chasteté (Matth.), les rubans de la mortification, la chaussure de l’Imitation de Jésus-Christ (I Petr.), l’anneau de la fidélité au devoir (Luc.), les bracelets de la soumission, le collier de la patience, le camée de l’amour de la croix, le bouquet de la ferveur, le diadème de la sagesse, les roses de la pudeur, le fard de la modestie, les parfums des bons exemples, les pierreries du mérite de Saintes-Œuvres, l’ampleur du dévouement, la sainte fierté de la foi, l’air assuré de l’espérance, et l’or de la charité.

Cette deuxième partie nous a laissé peu à dire dans la troisième partie que nous avions réservée à l’exhortation. Les grands exemples de la femme catholique que nous venons de mettre sous les yeux des personnes du sexe valent bien les plus éloquents discours. Nous nous bornons donc, dans cette dernière partie de notre travail, à de courtes observations sur la connaissance de la religion et sur la chasteté propres à la femme catholique : les deux conditions indispensables de sa vraie grandeur, les deux moyens par lesquels elle peut s’élever à cette hauteur de foi et de dévouement qui lui est nécessaire pour devenir l’aide fidèle, l’aide sanctificateur, l’aide puissant de l’homme, dans la famille, dans l’État et dans l’Église.

Ainsi, la première partie de cet ouvrage montre ce que le catholicisme est et ce qu’il a fait pour la femme; la seconde, ce que la femme a fait par le catholicisme et pour le catholicisme ; et la troisième enfin montre à quelles conditions le catholicisme peut transformer et élever la femme, et à quelles conditions la femme elle-même peut de son côté opérer des merveilles et se rendre digne du catholicisme.

C’est le plan de cet ouvrage, que nous pouvons peut-être considérer comme ayant été voulu par Celui de qui et par qui toute bonne pensée se prépare (Sap.); car, il y a dix mois nous n’y pensions même pas. Ce qui est certain, c’est qu’en l’écrivant nous avons éprouvé un bonheur tout particulier. C’est que c’est moins un hymne de gloire à la femme que le paganisme moderne a cherché à abaisser, qu’une hymne de gloire à la puissance de la grâce du catholicisme dont l’amour nous transporte et la grandeur nous ravit. Ce qui est encore plus certain, c’est qu’ayant prouvé, nous le croyons au moins, par ce travail que, pendant dix-huit siècles, rien de grand et d’utile ne s’est fait, dans l’Église et dans les États chrétiens, sans l’influence et la coopération de la femme catholique, nous avons présenté un gage d’espérance à ceux que l’état actuel du christianisme en Europe alarme. Car le tableau que nous venons de mettre sous leurs yeux, en indiquant ce que la femme catholique a été capable de faire dans le passé, peut bien leur faire présumer ce qu’elle est encore capable de faire dans un prochain avenir, et leur donner à espérer que, dans le grand renouvellement catholique qui se prépare, la femme catholique jouera encore dignement le rôle grandiose et important que la Providence lui a réservé.

La femme catholique remercie Semperfidelis